2006 : entre le rêve et le cauchemar

Publié le par AbouFerass

Nadia Yassine, le 22/11/2005.

Les songes de Al Adl Wal Ihsane ont suscité bien des émois ces temps derniers. 2006 serait une date charnière d’après une vague de rêves prémonitoires.
Libre à qui veut croire ou ne pas croire à cette dimension.
Je ne veux pas faire de cet article une diatribe théologique ou mystique. Disons seulement que nous autres de Al Adl Wal Ihsane (justice et spiritualité) nous sommes étonnés de constater la gravité de la sclérose de certaines dimensions de notre foi islamique chez certains.
Disons aussi que cette réaction épidermique devant le ghayb (le monde insensible mais non moins vrai) nous convainc de plus en plus que l’Islam a été pris en otage par le politique qui le réduisit de façon exclusive à un instrument à abrutir les masses, à les avilir et à les soumettre. Toute ouverture a été systématiquement plâtrée ; même celle du cœur.

Je sais bien que l’irrationnel ne peut se discuter et combien je compatis au sort de ces cheveux agnostiques ou laïcs qui se dressent cruellement sur des têtes pensantes sans le recours aux dimensions qui sont plus occultées que vraiment occultes. Comment blâmer les agnostiques ou les laïcs puisque même les « oulémas » et les « islamistes » ont répudié cette dimension pourtant essentielle de notre foi. Non pas que nous pensons qu’il faille agir en fonction de ce que le ghayb nous dévoile, mais prendre ces révélations et les intégrer à notre perception du monde est un devoir de spiritualité.

Je ne m’attarderai pas plus sur les messages venus d’une dimension réfutée ou reniée ; cela reviendrait à discourir du sexe des griffons. Laissons le monde onirique à sa marge d’improbabilité et dénonçons un avenir certain si le pouvoir ne change pas de cap immédiatement. Car nous sommes déchirés de voir sombrer notre si cher pays dans une réalité que nous abhorrons plus que tout ; celle de la violence et de l’anarchie. Nous croyons très fort que l’instabilité n’est jamais propice au bien-être des peuples et ne répond pas à l’image de la société telle que l’Islam l’a prônée et l’a défendue.

Al Adl Wal Ihsane plus que toute autre partie dans ce pays appréhende par principe la violence qui peut accompagner des circonstances aussi noires que celles qui se profilent à l’horizon.
Al Adl Wal Ihsane avant tout autre partie a essayé de tirer la sonnette d’alarme afin que notre pays mal-aimé de ses dirigeants ne sombre pas dans l’horreur.
Al Adl Wal Ihsane accuse le pouvoir d’assassiner l’espoir des générations montantes en un Maroc en devenir incertain.

Al Adl Wal Ihsane n’a pas fait le choix de ses rêves prémonitoires, le Maroc bouillonne.
Le Maroc est sans l’ombre d’un doute à l’aube de turbulences qui n’ont pas de précédents.
2006 sera une date charnière et on n’a pas besoin d’appartenir à la gent de Al Adl Wal Ihsane ni à la corporation des voyants. Parlons le langage des signes accessibles à tous si nous nous méfions du monde onirique.
Combien est juste l’image évoquée par « Le Journal » concernant le Maroc, du Titanic que les flots happent systématiquement et de cet orchestre qui continue de jouer comme si de rien n’était. A la différence près que l’orchestre chez nous couvre ses arrières en provoquant la fuite des capitaux et en vendant morceau par morceau le pays. L’orchestre marocain a des bateaux de sauvetage en Suisse et ailleurs …Ceux qui boiront la tasse ne savent pas faire de musique et aligner les notes hélas.

Le Titanic est bel et bien en train de sombrer. Ceux qui ne se font pas duper par le calme apparent de l’orchestre sont à l’écoute des premiers remous.

Evoquons en passant les manifestations de rue plus ou moins importantes mais régulières désormais qui minent le pays et les scandales à répétition qui font partie de notre quotidien. La bastonnade régulière des doctorants chômeurs qui font des sit-in immémoriaux devant le parlement est devenu presque un rituel que tout étudiant universitaire intègre à ses projets d’avenir. Le désespoir de toute une population de l’Est marocain et son émigration dans le pays voisin ne semble nullement étouffer de honte le pouvoir qui n’a eu aucun scrupule à fêter dans le faste et la dépense inutile la cinquantième année de leurre à l’encontre d’un peuple qui croyait en un avenir libre et radieux. Cela s’appelle tomber de Charybde en Scylla.

Evoquons aussi en passant le brigandage de route exercé par la police dont les élégants costumes ne réussissent pas à camoufler la rapacité. Ils travaillent d’arrache-pied à la rescousse non seulement d’un pouvoir corrompu mais aussi d’un trésor aussi sec que le climat de ces dernières années.
Sécheresse ou pas, les marocains seront traits comme des vaches jusqu’au sang, jusqu’à la lie, jusqu’à la folie suicidaire. La loi de finances 2006 semble être une loi cauchemar qui annonce à elle seule un vrai séisme social.
Jusqu’à quel point peut-on appauvrir un peuple ? Jusqu’à quelle limite peut-on avilir un peuple, le mépriser et l’exploiter ? Jusqu’à quand peut-on semer le vent sans récolter la tempête ?

Nous avons dans Al Adl Wal Ihsane , pendant de longues années encadré toute une jeunesse pour qu’elle ne tombe pas dans la spirale de la violence, mais la politique de répression du pouvoir fait qu’une grande partie de la jeunesse ne nous a pas rencontrés. Que pourra Al Adl Wal Ihsane avec ses slogans pacifiques devant une génération sinistrée qu’un islam kamikaze séduit de jour en jour et à laquelle on promet des paradis introuvables sur terre?

Il sera vain alors de vouloir arrêter les masses en colère devant le devenir invivable de cette pauvre nation.
Le seuil de non retour est largement franchi, et dorénavant un hélicoptère royal tirant des balles non moins royales sur les émeutiers de la faim ne pourra plus endiguer l’explosion. Inutile de regretter feu Hassan II et sa gestion radicale des crises. Même s’il ressuscitait il serait difficile pour lui de faire durer encore une telle situation.

Durer : c’était son dernier souhait, le très bref testament politique de Mohammed VI.
Durer. Rien d’autre ? Rien d’autre.
Drôle de programme politique !
Drôle de façon de durer en cette fin d’année de grâce 2005 que celle de remuer le couteau dans la plaie en exhibant la richesse ostentatoire. Drôle de façon de durer que celle de payer des milliards à Paris Match pour photographier une famille surgie des ténèbres séculaires d’un harem obscur dont les marocains se doivent d’entretenir les fastes et les takchitates (les tenues marocaines d’apparat). Les statistiques de la honte* nous disent combien nous coûte la monarchie et apparemment rien ne laisse présager qu’elle nous coûtera moins un jour ; bien au contraire …
Durer : là est le testament de Hassan II à son fils.

Son flair politique lui faisait-il deviner déjà l’effritement puis la fin du mythe de la marche verte ? Marche qui, depuis, est devenue de plus en plus rouge…de la couleur du sang bouillonnant de sahraouis qui refusent de vivre dans l’humiliation devenue chez certains une deuxième nature. Rouge aussi de la couleur de tous nos pauvres soldats morts pour…rien.
Le naufrage de l’affaire du Sahara signerait sans doute la fin d’une ère au Maroc, car sur quel rêve alors allons nous vivre et pour quel eldorado à venir devrons nous non seulement serrer nos ceintures déjà étouffantes, mais aussi éteindre l’électricité et boire moins d’eau?

Qu’est ce qui pourra encore cimenter notre pays que les politiques autocratiques ont tenu à laisser assez divisé afin de mieux le dominer ? La société civile créée ex-nihilo pour l’illusion politique n’empêchera pas d’autres séparatismes de se manifester !

Alors, devant ce bilan obscur, nous autres de Al Adl Wal Ihsane, qui pensons que la non-violence doit rester de rigueur ; n’avons-nous même pas le droit de rêver à un Maroc meilleur ? Sauf qu’à bien y penser nos rêves comme quoi 2006 est l’année de tous les dangers ne sont-ils pas plus perspicaces que la politique de terre brûlée que pratiquent ceux qui entraînent ce pays vers les abysses?
Comme on aimerait qu’ils fassent les mêmes rêves que nous faisons ! Leur action en serait certainement devenue plus démocratique, plus clémente, plus participative pour ce peuple trop longtemps exploité, trop longtemps trahi…

 

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